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Didier DURAFFOURG, Président honoraire du SNDGCT et de l’UDITE, et Marion CHABASSIER, rédactrice de l’étude comparée «Statuts, compétences et responsabilités des dirigeants territoriaux en Europe»

Cette étude comparée est au cœur de la mission première de l’UDITE, qui vise à identifier les diverses composantes et les statuts juridiques de la fonction de dirigeant territorial en Europe. Elle s’inscrit dans un environnement institutionnel et au sein d’une gouvernance territoriale en permanente évolution.
 

Quel a été votre rôle dans cette mission ?
 
Marion Chabassier : Je suis Docteur en Droit public de l’Université de Limoges où j’ai rédigé et soutenu le 3 décembre 2014 une thèse intitulée « Droits européens et exorbitance du droit public ». À l’issue de mon doctorat, je me suis impliquée dans les activités de l’ONG Europa qui m’a confié la rédaction de l’étude « Statut, compétences et responsabilités des dirigeants territoriaux en Europe ». Compte tenu des dix-sept pays considérés dans l’étude, de nombreuses et riches informations avaient été collectées par les membres d’Europa, de l’UDITE et du SNDGCT. J’ai donc pris « le relais » dans les recherches en travaillant de janvier 2015 à avril 2016, en totale synergie avec l’UDITE et le SNDGCT. J’ai notamment été en contact avec Didier Duraffourg, très investi dans l’étude et qui a joué un rôle clef dans sa réalisation.
 
 
Le nombre de pays considérés (17) a été très important. Pourquoi ce choix ?
 
Didier Duraffourg : L’objectif de cette étude était ambitieux. En effet, les réalités juridiques très variées résultent de la diversité des systèmes de gouvernance territoriale en Europe. Cet ample champ d’analyse était néanmoins la condition requise pour que l’étude comparée contribue à apporter une plus-value aux études sectorielles déjà produites. Les champs d’investigation retenus couvrent successivement les identités institutionnelles et les identités professionnelles à travers l’examen des attributions et des compétences qui y sont attachées. L’analyse s’est aussi portée, du fait du positionnement charnière de la fonction entre l’administration et le politique, sur la place stratégique de la fonction à travers la dimension managériale et le rapport au politique dans les différents pays étudiés.
 
 
Les enseignements de l’étude sont riches et denses. Quelle identité du dirigeant territorial donne-t-elle à voir ?
 
Didier Duraffourg : En moins de quatre décennies, la fonction de dirigeant territorial s’est profondément transformée dans l’ensemble des pays européens. Deux lignes de force ont fortement impacté les modes de production et d’organisation de l’action publique en Europe :
 

  • l’essor du concept d’autonomie locale en Europe, avec en corollaire l’accroissement du rôle des collectivités territoriales dans la conduite du développement social, économique et culturel des territoires?

 

  • le développement de nouvelles approches de la gouvernance locale et de la gestion des ressources humaines en Europe, avec l’objectif affirmé de substituer à une culture administrative de moyens une culture de résultats au profit des citoyens. 

Les autorités politiques locales européennes attendent aujourd’hui du dirigeant territorial une conduite stratégique de la mise en œuvre des projets politiques et une mise en tension des administrations locales pour y parvenir. Dans ce contexte, les dirigeants territoriaux sont appelés, à l’évidence, à endosser un accroissement significatif de leurs responsabilités.
 

La fonction de dirigeant territorial doit cumuler aujourd’hui plusieurs fonctions : celle d’administrateur, en charge de la mise en application des politiques publiques et des décisions des autorités locales dans le respect des normes juridiques, celle de gestionnaire-manager de l’administration locale avec un rôle d’interface entre la sphère politique et administrative et enfin celle de conseiller-expert auprès de l’autorité politique pouvant aller jusqu’à l’association au processus de prise de décision. C’est autour de ces trois fonctions que se construisent les identités des dirigeants territoriaux qu’ils aient un statut de fonctionnaire ou de contractuel de droit privé.

 
Cette association requiert une qualité d’adaptation inhérente à l’exercice de la fonction. Le dirigeant territorial se doit de conjuguer le principe de loyauté envers le politique, et le principe de neutralité que les citoyens attendent des administrations publiques dans les démocraties.
 
 
Quels enseignements tirez-vous de cette étude ?
 
Marion Chabassier : Au regard des tendances observées dans les pays considérés, le positionnement des dirigeants territoriaux en Europe s’explique par les modalités de recrutement et les conditions d’accès à la fonction, les caractéristiques de la carrière et la fin des fonctions. L’environnement professionnel des dirigeants territoriaux doit, quant à lui, être relaté à travers leur champ d’intervention, ainsi que l’articulation complexe de leurs fonctions avec celles des élus.
 
Or, des difficultés sont rencontrées tant sur le plan institutionnel que professionnel. D’une part, il faut admettre le besoin de clarification du positionnement institutionnel des dirigeants territoriaux (reconnaître la fonction par l’emploi d’une dénomination commune ; formaliser des critères d’évaluation ; encourager la formation continue ; améliorer les possibilités de mobilité ; faire concorder d’une manière générale le régime juridique des dirigeants territoriaux avec la pratique).
 
D’autre part, sur le plan professionnel, des propositions peuvent être émises afin de répondre au besoin de sécurisation de leur environnement. Certes, les pays ont eu tendance à déployer des réseaux de dirigeants territoriaux afin de défendre leur identité, mais ils ne sont pas suffisamment exploités. Ils mériteraient de voir leur rôle renforcé afin d’être accompagnés dans le déroulement de leur carrière. Pour limiter la précarisation, il serait bénéfique d’établir, grâce à ces réseaux, un dispositif collectif pour les dirigeants en situation de transition.